Wednesday, December 8, 2010

Kalevet : Une tentative de slasher israélien

On connait bien le cinéma moderne israélien pour ses films intimistes, culturels ou existentiels. Lucide ou naïf et parfois aux limites de l'avant-garde, il n'échappe d'ailleurs pas aux polémiques les plus diverses. Mais célèbre pour ses perles d'auteur (ou auteurisantes diront certains), il l'est beaucoup moins pour ses oeuvres de genre. A ce jour, seuls le polar atypique Tu marcheras sur l'eau (un de mes films préférés au monde cela dit en passant, cf mon avatar sur ce blog) ou le fantastique Frozen Days (très inspiré par le Locataire de Polanski) ont atteint les oreilles d'un public distrait. C'est pourquoi, lorsqu'en scrutant les films à l'affiche des salles obscures locales, je suis tombé sur le pitch de Kalevet - sorti le 2 décembre en Israël où je passe deux semaines -, je me suis dit qu'il ne fallait pas que je passe à côté. Cerise sur le gâteau, Lior Ashkenazi (le héros de Tu marcheras...) est au générique.

A la vue du titre -traduit pas Rabies en anglais, - qui m'a fait penser au Rage de Cronenberg - et à la lecture d'une critique-du-net, j'ai d'abord cru à un film de zombies. Erreur, il s'agit en fait d'un gentil slasher, même si, dans l'une ou l'autre des catégories, c'est finalement le premier de celle-ci à voir le jour à ma connaissance.
Et puis ca commence plutôt bien : la première scène met en images un couple qui se parle à travers une ouverture dans une porte métallique. Lui est dehors, elle enfermée dans un trou. Les deux ont le visage en sang. Elle (en pleurs) : "j'en ai assez, je veux rentrer à la maison". Lui : "On ne peut plus rentrer à la maison. Mais quoiqu'il arrive, dis-toi que tu n'as rien fait de mal. Restes ici, je vais chercher de l'aide". Il se barre. Un cri. Générique. Ambiance de virus, atmosphère tendue, on a vu pire comme intro.

Malheureusement, ça se gâte par la suite. Parce que comme tous bons cinéphiles débutants bourrés d'influences, les deux réalisateurs Ahron Keshales et Navot Paposhaddo ont le cul enter quatre chaises. Jugez plutôt : suite à cette mise en bouche, débarquent séparément dans la forêt de l'action un couple (un chasseur, une pétasse et leur chien), ainsi qu'un groupe de 4 jeunes se croyant débarqués du Cabin fever d'Eli Roth, débitant des dialogues à la Tarantino (dont le top des fantasmes sexy d'un des gars, avec au sommet de la liste "une meuf en train de pisser"). On termine par un duo de flics, l'un obsédé et connard de classe internationale, l’autre en pleine crise de couple (Lior Ashkenazi, qui démarre comme un timide idiot et effacé pour finir au fond d'un drame perso).

Et les situations de s'enchaîner dans le plus grand portenawak possible : un croque-mitaine venu de nulle part embarque la nénette de l'intro, tue le chien du couple et s'endors pour ne plus revenir qu'au générique de fin. Après avoir croisé l'ami ensanglanté du début et avoir appelé les flics, les 4 amis se séparent : pendant que les hommes se prennent la tête et finissent par se taper sur la gueule dans la forêt, les filles accueillent les flics qui les palpent trop généreusement et la situation dégénère en prise d'otage et course à travers un champ de mines (!!). Se rajoute à cela le fait qu'entre deux vannes foireuses (Flic 1, menotté par son collègue à la voiture :"Raah ! Fils de pute !" Flic 2 : "Hé, on avait dit pas les mères !"), les réalisateurs n'arrivent pas à choisir entre drame (OMG on va mourir !), la tension (plan posé et musique clichée) et le grand guignol (le champ de mines, donc). Tout cela s’enchaîne de façon étrange via certaines idées de mise en scène, tout d'abord efficaces (quelques jump-scares classiques et bien placés et autres ellipses, de la retenue dans le gore), mais très vite recyclées (deux meurtres filmés à l'identique presque plan par plan).

Heureusement, les auteurs sauvent l'honneur et n'oublient pas de finir sur une note d'humour qui, malgré le côté inégal et finalement unique du film, le replacent au coeur du genre auquel il rend hommage. A ce titre, je ne peux pas m'empêcher de rapprocher Kalevet du récent Rubber de Quentin Dupieux, ou plus justement du Dead End de Jean-Baptste Andrea et Fabrice Canepa. Ces deux films, s'il sont bien plus réussis malgré leurs défauts, sont transportés par le même amour du genre et une même envie de sortir des sentiers battus. C'est surtout dans cette optique que Kalevet vaut d'être vu et d'exister. Car il a la volonté d'ouvrir la porte à toute une vague de créateurs et de cinéphiles locaux qui ne demande qu'à s'épanouir. 
Malheureusement, il faudra sans doute s'armer de patience : alors que le cinoche où était projeté le métrage était tapissé des affiches du film et que les employés du complexe portaient tous un T-shirt dédié, nous étions 3 dans la salle pour une séance à 19h30 ! (je rappelle que c'est la première semaine d'exploitation du film). Mph...

Pour ne pas vous laisser en chien, voici en tous cas la bande annonce de la chose :

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